lundi 15 juillet 2013

This is all about Berlin (un feuilleton estival) (2)

//Au café//

Au Katie's blue cat, ça respire le gâteau qui sort du four et le bois ciré. Sur le comptoir et dans la petite vitrine s'empilent et s'alignent les shortbreads natures, brillants de sucre, ceux aux canneberges et aux pistaches et ceux au thé Earl Grey; il y a aussi des scones replets, des cookies blindés de fruits secs et de chocolat, du pain au levain à la mie crémeuse, des barres au citron et en saison, des whoopie pies à la citrouille. Dans la salle, on croise à la fois deux amies américaines venues expérimenter les cookies et le latte, une mère et sa fille qui dévorent un bagel au saumon avant d'aller au cinéma, une grande fille brune cheveux courts, longue jupe moutarde, lunettes en écailles et lecture concentrée de Kundera, une réplique de Lux Lisbon en train de préparer minutieusement des tartines (pain au levain + cheddar + raisin frais) qu'elle dévore avec délectation tandis que son accompagnateur laisse tranquillement fondre un peu de beurre sur les crumpets tièdes, qui, pour les avoir éprouvés, sont irrésistibles.


Tandis que nous partagions une part de carrot cake moelleux et parfumé, une fille est entrée en trombe avec un garçon qui affectait un air dégagé. Ils ont bu un latte en vitesse et sont repartis aussi sec, elle dans son trench années 70 et ses collants côtelés blancs, lui avec son écharpe frangée à motifs géométriques enroulée sans dessus-dessous autour du cou. Ils sont revenus deux minutes plus tard et ont demandé deux bagels à emporter, elle a fourré le sac en papier kraft brun dans son grand tote bag au slogan illisible et ils ont filé.
Tout près du Katie's blue cat, le mardi et le vendredi après-midi, la communauté turque accroche des lampions en papier et aligne ses stands colorés le long de la Spree, l'occasion de se promener entre les piles d'énormes grenades rubis, les petites brochettes qui grillent lentement et les épices entêtantes. Un garçon inquiet demandait aussi à la marchande de fromages ce qui pourrait parfaitement accompagner des gnocchis de betterave.
Dans le quartier, à deux pas du Katie's, vous tomberez forcément sur Vintage Galore, une jolie boutique où l'on fantasme de faire rentrer dans sa valise un abat-jour émaillé, un miroir en teck ou une lampe plissée ainsi que Sing Blackbird, une friperie-café où chiner des jolies blouses aux imprimés vintage.
Katie's blue cat Fridelstrasse 31

Vintage Galore Sanderstrasse 12
Sing Blackbird Sanderstrasse 11


La mise en confiance fut presque immédiate au 2and2: mobilier années 50 soigneusement sélectionné, alignement de Chemex et de bouilloires émaillées Tsuki Usagi, petits dessins adorables sur la carte, mugs rayés dépareillés, défense d'un café trié sur le volet. En milieu d'après-midi, sans avoir déjeuné, il n'était pas trop incongru de commander une part de quiche lorraine. Elle était tellement addictive (pâte maison bien croustillante et fondante, appareil lacté, discrètement fumé, onctueux) que nous en avons commandé une deuxième part. Comme les tartes sont réchauffées doucement pour les tiédir sans les dénaturer, vous avez tout le temps de vous enfoncer un peu dans les fauteuils moelleux et d'évoquer les péripéties de la matinée en sirotant tranquillement votre thé. En dessert, plein de petits gâteaux français (financiers, canelés, madeleines) et une tarte aux pommes normande douce et réjouissante.
Juste en face, de l'autre côté du trottoir, le Melbourne Canteen fut un refuge très agréable quand nous sommes arrivés un soir vers 22h30 après avoir découvert l'appartement que nous allions occuper pendant quelques jours (c'était la deuxième fois à Berlin, c'était avant de retourner au Michelberger, c'était une précaution pour vaincre l'appréhension d'un retour dans un lieu adoré. C'était très bien aussi!). Ils font notamment des supers cocktails et des pies délicieuses, servies brûlantes dans leur petit plat.
2and2 Pannierstrasse 6

Melbourne Canteen Pannierstrasse 57


Ce que j'ai d'abord vu au Meierei, c'est la petite pile rose de Manner sur le comptoir. J'assûme un penchant prononcé pour ces gaufrettes fourrées à la pâte de noisettes, et encore davantage pour celles fourrées au chocolat, emballées dans du papier couleur crème. C'est assez idiot mais je suis très sensible à l'objet en lui-même, la typographie employée, la façon dont s'ouvrent les paquets et le prédécoupage de chaque gaufrette, format domino. J'avais dévalisé un supermarché berlinois la première fois, je les traquais à Vienne et je bénissais la supérette bulgare qui en vendait toute la nuit juste à côté de l'hôtel de Budapest. Mais le Meierei ne se contente pas de proposer des Manner, il sert aussi des spécialités autrichiennes très finement cuisinées dans une ambiance parfaitement congruente (petites gravures alpestres sur les murs crème et vert d'eau). Le leberkäse, servi tiède avec une salade de pommes de terre légère et acidulée, est vraiment épatant, très subtil là où je craignais un simple pain de viande roboratif. En dessert, ne ratez pas le merveilleux apfelstrudel qui mêle généreusement pommes fondantes,  cannelle et fruits secs.
Meierei Kollwitzstrasse 42

D'autres cafés dans le prochain épisode!

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4 Comments:

Anonymous v said...

Que d'adresses que je ne connais pas et qui me donnent tellement envie de les connaître ! J'aime autant ton texte que les photos qui les accompagnent .
ET je comprends tellement ce que tu peux ressentir en réservant un appartement parce qu'il y avait cette appréhension de la 2e fois dans un lieu où la 1ere avait été formidable .
Vivement la suite du feuilleton !

16 juillet 2013 à 12:43  
Anonymous Lucie said...

C'est un délice de lire tes petits billets estivaux, de voyager et goûter mille bonnes choses en pensée - je dois justement découvrir Berlin très bientôt avec des amis. Viel danke Frau Patoumi :)

17 juillet 2013 à 00:05  
Blogger la. said...

Chère Patoumi,
Il est dix heures onze du matin, il reste quelques framboises et un bol de café presque vide, et sur France Culture, Adèle van Reeth parle de Rohmer. C'est une rediffusion de 2012, mais je t'envoie quand-même le lien vers l'émission : http://www.franceculture.fr/emission-les-nouveaux-chemins-de-la-connaissance-philosopher-avec-eric-rohmer-14-conte-d-ete-rediffu
Bises viennoises

23 juillet 2013 à 10:15  
Blogger patoumi said...

V.: nous retournerons probablement à Berlin, pas toi? :)

Lucie: mais avec plaisir! J'espère que la ville te plaira!

la.: je me souviens très bien de cette série! Merci pour lien, je vais réécouter! Je te souhaite un bel été.

25 juillet 2013 à 05:26  

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