vendredi 3 février 2012

A l'occasion tu souris

On en a connu des nuits blanches et des jours sans fin alors j'ai décidé de réserver en douce une chambre avec vue.
Evidemment, je craignais des caprices météorologiques peu propices à mes fantasmes balnéaires (enfin, je n'envisageais pas non plus un bain de minuit) mais j'ai fini par confirmer la réservation en repensant à d'anciennes vacances vénitiennes sous une neige palpitante.
Je n'ai rien dit de la semaine et nous avons continué à beaucoup travailler, et à parler du travail, nous avons mangé libanais devant un feu de cheminée (il a surtout adoré la brochette d'agneau mariné), nous avons lu des bandes dessinées*, commencé des romans**, écrit des lettres, commandé des revues new yorkaises et des torchons en lin épais à carreaux jaunes, nous avons fait une très grande pizza dévorée à même la planche en bois, et le lendemain, j'ai avalé une assiette fumante de spaghetti à quatre heures de l'après-midi préparés avec les reste de sauce tomate et inondés de parmesan. Il fallait se dépêcher, les pauses-déjeuners sont chronométrées et induisent une consommation vertigineuse de clémentines et de biscuits fourrés au chocolat (et au magnésium même si je ne les mange pas pour ça).
Nous sommes aussi partis avant le fin de La folie Almayer, j'étais triste, déçue et soulagée à la fois. Je n'ai pas souvent l'occasion d'entendre des acteurs parler cambodgien... Ensuite, à la maison, il a proposé de me réchauffer une crêpe au sucre.
J'ai glissé dans une enveloppe en papier brut une lettre où j'expliquais tout, avec force petits dessins: il fallait faire les valises samedi après le marché, il y aurait un dîner à Tanpopo, une chambre que j'espérais jolie, des perspectives de promenades, des promesses de petits-déjeuners délicieux (j'ai assez bien réussi la tasse de café fumant et le petit croissant).
Finalement, la valise fut minuscule et très légère à côté du sac rempli d'appareils photos et de romans. Il portait le cardigan sable, j'avais réchauffé la robe bleue et verte avec deux gros gilets.
Finalement, la chambre n'était pas trop mal, avec une très grande fenêtre sur le large et plein de couettes blanches très épaisses.
Face à la mer, j'avais la sensation un peu étourdissante d'avoir laissé derrière moi toutes ces questions qui chaque matin, me donnent juste envie de rester au lit, encore un peu.
Le dîner à Tanpopo, la promenade des odeurs de l'hiver, soulignait le caractère affirmé des légumes racines et des poissons fumés, utilisait la robustesse du pied de veau pour en faire un farci délicat, transcendait la pomme cuite avec du gingembre confit (je reprendrai l'idée).
Le lendemain, après un thé brûlant, quelques tartines, des petits pots de miel ravissants et une hésitation sur un oeuf à la coque, nous nous sommes retrouvés à parcourir la grande plage jusqu'à son extrémité et j'ai un peu pensé à cette promenade que font Alvy Singer et Annie Hall, le soir, près du pont de Brooklyn. Derrière les vitres d'un salon en hauteur, un couple âgé sirotait une bière avec des petits sandwiches triangulaires et regardait la mer sans parler.
Nous avons évidemment fini par être affamés! Nous avons mis de côté un souvenir un peu cuisant vécu avec P+N et nous avons osé franchir le seuil de Bergamote, ce salon de thé désuet où les serveurs vous accueillent avec une préciosité à la limite du maniérisme. Bon, il a fallu batailler pour avoir une table mais, une jeune femme et sa mère, très chic avec ses derbies pailletées, croisées la veille à Tanpopo, ont fini par gentiment céder leurs places en nous reconnaissant.
Dans les très grands vases, il y avait juste deux fleurs blanches, très souples, et autour des tables en bois sombre, des élèves d'école de commerce en goguette, des couples en doudounes tapageuses, des familles aux enfants peu discrets et, juste à côté, deux jeunes femmes dont l'une portait une très jolie montre toute simple.
Ce déjeuner fut absolument délicieux. Il y avait des petites tartines de pain grillé recouvertes d'oeufs brouillés crémeux et de poitrine fumée grillée, une salade très fraîche et des scones*** assez incroyables. Très épais, toastés, ils étaient servis tièdes avec une crème fouettée à la vanille, de la marmelade d'orange et une confiture de framboise. Le thé et le chocolat chaud étaient très bien aussi. Nous étions ravis et nous nous sommes promis de revenir goûter les gâteaux voluptueux, notamment celui au chocolat, avec son glaçage très épais et dont paraissait se régaler l'amie de la jeune femme à la montre qui elle, portait une superbe robe en maille noire.
Dans l'après-midi, sur une presqu'île, à l'endroit où un escalier descend mystérieusement sous les flots, il a enregistré le bruit des vagues. Et puis nous sommes rentrés, avec plein de sable sur les bottes.
Et pour tout vous dire, au dîner, le
mapo doufu était assez terrible.

*je vous recommande
L'été 79 de Hugues Barthes, l'histoire d'un garçon très seul dans son village de campagne entre une mère qui porte invariablement des lunettes de soleil et un père à la bouche douloureuse et cruelle et ce pas seulement quand il avale sans un mot son saucisson sur la table de la cuisine.
**je commence Dire son nom de Francisco Goldman et je prospecte pour décider ce que je vais glisser dans mon sac pour l'Inde.
***je n'en ai jamais refait depuis cette pourtant délicieuse recette (mais ceux de Bergamote étaient beaucoup plus subtils, avec une croûte crousti-fondante et une texture beaucoup plus aérienne).

Bergamote et sa vitrine débordante de beaux gâteaux est au 3, place Jean de Châtillon à Saint Malo. Le plus prudent reste de réserver au 02 99 40 28 14.

Dans le prochain billet, il y aura une recette qui dépend directement du marché de demain matin. A très vite!

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17 Comments:

Anonymous Anonyme said...

bon marché demain matin, j'espère qu'il ne fera pas trop froid ! rennette

4 février 2012 à 00:06  
Blogger Jessica Lisse said...

J'aime tellement te lire que je lis plusieurs fois chaque phrase et je descend la page le plus doucement possible (au cas où par exemple, il y aurait une image que je peux ainsi garder secrète quelques secondes supplémentaires)

4 février 2012 à 11:51  
Anonymous Anonyme said...

pour l'inde, pourquoi pas l'histoire de pi, de yann martel...
sha

4 février 2012 à 15:22  
Blogger avis said...

tu me donne des envies de saint malo ^^

4 février 2012 à 20:25  
Blogger patoumi said...

Rennette: bah en fait je crois que je finis par m'habituer au froid... Et le marché sous le soleil était très beau!

Jess: *rougis*

Sha: pourquoi pas? Merci!

Avis: j'ai mis longtemps à aimer cette ville et finalement, je suis contente d'habiter pas trop loin...

5 février 2012 à 00:32  
Blogger KAB said...

Bonjour Patoumi.

Tu n'as pas aimé à ce point La folie Almayer ?
Ce n'est pas mon préféré de Chantal Ackerman, loin de là (toujours Jeanne D, indétrônable je pense) mais La folie constitue une oeuvre trouble et troublante avec des trous d'air. En effet, pas convaincue par la littéralité durassienne de l'oeuvre par contre des plans s'avèrent fulgurant de beauté. La poursuite du capitaine et du père dans la jungle à la recherche de Nina, la sortie définitive de Nina du pensionnat qui longe la ville dans la pénombre, les deux amants sur une barque qui flotte sur le fleuve, le départ de ses derniers et les adieux de Nina à son père sur un îlot enfin, l'ultime long plan séquence final sur le visage hanté de Stanislas Merhar qui reflète sa peine absolue et évoque la perte à jamais de son enfant... Le travail sur le son, l'image et la lumière m'ont absolument emportée.

Bonne journée à toi

5 février 2012 à 07:11  
Anonymous Séverine said...

De mon côté, j'ai beaucoup aimé cette ville dès le début. Je pense y retourner en solo l'année prochaine quand l'envie de mer se fera trop sentir (puisque cette année, il n'y aura pas de mer, malheureusement).
Et puis, c'est une des rares villes accessibles facilement par le train de mon Belfort profond (bon il faut passer outre le jonglage avec le métro pour aller de Gare de Lyon où j'arrive, il me semble à Gare de Montparnasse mais... J'ai le temps d'étudier le plan du métro d'ici là.
Nul doute que vous serez dans mes pensées quand je marcherai dans les rues de Saint-Malo et que je m'attablerai à Tanpopo car ce sera forcément un passage obligé pour moi. Depuis le temps que vous vantez les mérites de ce restaurant, je crois que ce serait vraiment dommage de passer à côté.
J'aime énormément ce billet qui respire la tranquillité, la joie et l'amour, malgré le travail qui semble vous absorber totalement. Et puis égoïstement, j'aime quand vous parlez de vos week-end marins. J'ai l'impression d'y être. J'espère que tout va bien dans votre vie. (Oh et j'aime beaucoup la photo qui illustre votre billet)(et puis je suis contente que vous ayez ouvert un autre blog, vous lire était un tel plaisir que ne plus l'avoir pendant un temps me rendait particulièrement triste).
Depuis votre dernier billet, j'ai acheté Asterios Polyp et Une année studieuse ainsi que Jeune fille. Ils trônent fièrement à côté de moi, attendant que je finisse David Copperfield. J'ai aussi en réserve Les revenants de Laura Kasischke. Je me demande si vous l'avez aimé.
Bon dimanche neigeux (en Bretagne)(à Belfort, il fait juste très froid, genre - 15°c...) et au plaisir de vous relire bientôt pour cette fameuse recette.

5 février 2012 à 12:04  
Anonymous patoumi said...

M'Zèle Divine: j'ai adoré les dix premières minutes de La folie Almayer et puis après, mon attention s'est dissoute. Je crois que je préfère les films plus urbains d'Akerman, aussi ceux qui se passent dans l'intimité des appartements. J'ai été un peu gênée par la présence physique de Stanislas Merhar... Je ne pars pas souvent avant la fin des films mais là, je n'avais pas envie de l'aimer encore moins. J'ai été aussi un peu bouleversée par le fait d'entendre ma langue maternelle, qui n'est pas du tout du malais!

Séverine: j'ai adoré Les revenants, que je n'arrivais plus à lâcher! Les Anne Wiazemsky se lisent très vite aussi, vous allez voir! Et les dessins de l'appartement à Manhattan d'Astérios Polyp mettent tout de suite dans l'ambiance...
J'aime Saint Malo quand la ville n'est pas assiégée par les touristes, ce qui est plus évident l'hiver... Au printemps, j'aime aussi le charme un peu désuet de faire la traversée Dinard-Saint Malo. Intra muros, il y a une super librairie qui s'appelle Odyssée, un torréfacteur avec des jolis emballages dans la rue du magasin Bordier, un bar qui fait des burgers maison, juste à côté du Riff magnétique, un très joli restaurant où on mange très bien qui s'appelle Coquille d'Oeuf et une super boutique de vêtements, le petit 4SB, tout près de Tanpopo. Sinon, j'ai toujours été très déçue par l'accueil dans la boutique d'Olivier Roellinger...
Oui, il fait très froid et sombre (un dimanche parfait pour lire et écrire tranquillement à la maison), je finis par cuisiner des choses simples, je ne sais pas si je vais en parler!
Bon dimanche!

5 février 2012 à 12:35  
Anonymous Séverine said...

Oh! merci pour toutes les bonnes adresses que je vais noter précieusement dans l'attente d'y aller.
La traversée Dinard-Saint Malo me tente bien aussi (est-ce possible à faire sans voiture ?).
Il faut que je réfléchisse à tout ça, que j'économise, j'ai le temps, je pense que le petit voyage sera pour juin ou septembre 2013.
Une chose est sûre (c'est d'ailleurs la première chose que j'ai cherché sur le net, la liste des librairies à Saint-Malo), je vais me ruer en premier lieu à la librairie Odyssée et ensuite, composer mes repas en fonction des adresses que vous me conseillez. Des hamburgers maisons, j'en salive...
Bon dimanche à la maison. De mon côté, je pense voir un film, manger une bonne grosse part de quatre quart, lire David Copperfield (quoique du coup, j'ai bien envie de me mettre au Kasischke)(je papillonne entre plusieurs livres à la fois en ce moment, je ne sais pas trop ce qu'il m'arrive, je ne fais jamais ça d'habitude), le tout arrosé de thé bien chaud bien sûr. Puis commander chinois pour ce soir. J'ai un peu la flemme de cuisiner ce soir et surtout le frigo me parait bien vide...

5 février 2012 à 13:34  
Anonymous Lise said...

Quelle jolie photographie! Cette lumière incroyable…
Merci Patoumi pour toutes ces adresses, je note je note!
Après New-York, peut-être Saint-Malo? Vous racontez si bien, que forcément on en crève d'envie!

5 février 2012 à 14:49  
Blogger patoumi said...

Séverine: dans les adresses, mais vous ne pouvez pas le manquer, le kouign amann est délicieux dans l'échoppe rouge et jaune euh... quand vous sortez de tanpopo, vous prenez à droite (vous verrez le petit 4SB dans cette rue, sur le côté droit) et vous remontez la première à droite, vous tombez alors sur un vendeur de gaufres/crêpes/kouign aman en haut de la rue, très très recommandable.
Pour la traversée en bateau, si vous êtes à Saint Malo, cela permet d'aller à Dinard sans passer par la route et arrivée là-bas, vous pouvez aller de l'embarcadère au centre ville et à la grande plage par la promenade du clair de lune.
Maintenant, j'ai bien envie d'une part de quatre quart! Je n'en ai pas mangé depuis des siècles...

Lise: j'ai toujours peur que les lecteurs soient déçus une fois qu'ils arrivent sur place...
J'ai bien vu votre petit mot pour l'abécédaire de l'année, je ne vous promets pas d'être très sérieuse là-dessus! Mais c'est très gentil d'avoir pensé à moi...

5 février 2012 à 23:52  
Anonymous Séverine said...

Je note pour le Kouign Aman. Je n'ai jamais goûté ce gâteau... Je pense que ça sera l'occasion également.
Je suis très impatiente au final à l'idée de partir, si je m'écoutais, je crois que je me verrais bien partir maintenant d'autant que je crois que j'en ai bien besoin, le début d'année n'ayant pas du tout été facile. Mais bon, je vais préparer tout ça tranquillement, ça participe au charme aussi.
Sinon, je ne fais que très rarement du quatre-quart, alors que c'est relativement simple et très bon... Samedi, je me suis lançée et je ne suis pas déçue.
Sinon, hier après-midi, j'ai regardé une très bonne adaptation d'Orgueil et Préjugés réalisé par la BBC, avec Colin Firth en Darcy (il est juste parfait en Darcy) et Jennifer Ehle en Lizzie (très bonne en Lizzie, à l'image de la vision que j'en avais en lisant le livre). Je vous recommande cette version qui est en fait une mini-série, il y a 6 épisodes donc l'histoire prend bien son temps pour s'installer, l'intrigue est bien développée et fidèle au roman, les acteurs sont vraiment bons et bien choisis, les décors magnifiques (ah! Le charme de l'angleterre verdoyante) et les costumes et la reconstitution de l'époque parfaite. Je crois que vous pouvez trouver le dvd pour pas cher en ce moment (10€) si vous n'avez déjà pas vu cette version. Le week-end prochain, je vais regarder Emma (version 2009 avec Romola Garai). J'adore Emma (le roman) et j'ai de bons échos de cette version là.
Bonne journée, Patoumi

6 février 2012 à 09:41  
Anonymous Florence said...

Bonjour Patoumi,

je suis à Berlin sous la neige, et vous me donnez envie de Saint-Malo et de la mer. J'ai furieusement envie de rentrer et d'y aller passer un week-end. "En un monde parfait" de Laura Kasischke m'avait donné la chair de poule, mais je n'ai pas encore comencé "les revenants". J'aime toujours autant vous lire.
Bises.

6 février 2012 à 10:13  
Anonymous Florence said...

j'ai été trop vite..."commencé"

6 février 2012 à 10:14  
Anonymous Lise said...

Patoumi, à New-york, je suis allée les yeux fermés et je n'ai eu que des bonnes surprises! Malheureusement je n'ai pas eu le temps de toutes les essayer; c'est bête, il va falloir y retourner! Pour l'abécédaire, ce n'est pas grave, je comprends. Je suis sûre qu'il m'aurait bien plu… Alors il me reste à l'imaginer!
J'espère aller à Saint-Malo dès que le temps sera plus doux…
Bonne soirée Patoumi et bon courage pour tout ce travail!
Et bientôt un autre petit jeu chez moi, je vous dirai!

6 février 2012 à 19:32  
Blogger Dévorer les livres said...

Deux billets si proches, c'est un bonheur pour tes lecteurs. Bonheur, d'ailleurs, et bonheurs d'ailleurs, dont tes textes deviennent plus emprunts que jamais. Bon voyage à Bombay. (en revanche je ne te remercie pas, je suis désormais obligée de commander et d'attendre cette revue si chère dont tu as trop bien parlé pour que je puisse m'abstenir).

7 février 2012 à 08:01  
Blogger patoumi said...

Séverine: l'avantage des kougn aman de Saint Malo, c'est qu'ils sont petits (parfaits pour un goûter après une longue marche) et servis tièdes à la demande. Ce ne sont pas les meilleurs du monde (je préfère ceux du Finistère) mais vraiment, ils se défendent super bien.
Colin Firth en Darcy... j'y penserai! Typiquement le genre de chose que j'aurais regardé autrefois pendant mes nuits de garde d'interne...

Florence: Berlin! C'est une destination qui nous fait très envie aussi! J'espère que c'était bien...
J'avais lu "En un monde parfait" pendant le vol retour de New York et ça ne m'avait pas trop plu, j'ai préféré "Les revenants"! (sûrement les personnages adolescents y sont ils pour quelque chose)

Lise: merci pour votre gentille compréhension quant à l'abécédaire, je garde l'idée pour 2013!
C'est vrai que le travail est très prenant, je n'aimerais pas en changer mais parfois juste faire quelque chose qui soit plus léger...
Je vais surveiller le jeu!

Dévorer les livres: comme il faisait trop froid pour sortir, ça laissait plein de temps pour écrire ^^! Ce que tu dis sur le bonheur m'émeut beaucoup...
Pour commander la revue, j'ai eu l'impression que le moins cher était de le faire chez Milk and Paper mais je n'ai pas prospecté plus avant...

7 février 2012 à 23:03  

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