mardi 27 septembre 2011

Tu n'as même pas vu que j'étais partie alors (je suis revenue -avec des empanadas)

Dimanche après-midi, après un vide-grenier où nous avons constaté les constantes modifications du visage des poupées Barbie au fil des décennies, nous avons décidé de prendre le large. La voiture a filé vers notre plage préférée, je ne pensais pas que j'aurais eu l'occasion d'enfiler à nouveau mes sandalettes qui se sont par ailleurs admirablement patinées. Nous sommes passés devant un hôtel aux volets violets où un soir de juillet, lors d'un lointain été, on nous avait servi une soupe de poissons brûlante assortie des croûtons et du fromage râpé de rigueur. Plus tard dans la soirée, nous avions fui le feu d'artifices qui assourdissait le port et avait déserté la plage, ce qui fut bien agréable.
Dimanche, il y avait quelques chars à voile et des cerf-volants, l'ombre d'une jonque à l'horizon et un cadeau qui m'attendait dans le sac de G. Les pieds régulièrement effleurés par les petites vagues, j'ai découvert deux nuages poétiques précieusement cousus par la délicate
Masami. A la maison, chacun de nous possède dans son bureau respectif l'un de ses jolis végétaux en tissu, la branche haricot magique pour moi et l'arbre d'hiver pour G., je les aime beaucoup. Cette fois-ci, il s'agit de Nuageux, parfois la pluie. Un résumé sublimé des temps passés, bien que dimanche ait été assez grandiose, les cheveux au vent et plein de soleil partout.



Septembre en pointillés
J'ai lu The Great Gatsby presque trop vite, comme on avale une bouchée qui manque de vous étrangler.
J'ai découvert que les journaux de Sylvia Plath étaient publiés expurgés de ce que son amie, Frances Mc Cullough, et son mari, Ted Hughes, ont considéré comme des "descriptions excessivement détaillées", des passages "trop érotiques" ou "trop méchants". Je n'ai pas trop apprécié.
J'ai acheté une paire de bottes gris éléphant dans une boutique microscopique où un petit garçon très blond ne voulait rien chausser d'autres qu'une paire de Ugg, ce qui a laissé tout le monde perplexe. Le même jour, j'ai aussi trouvé une robe à pois en soie très bien pour la soutenance (sauf que je n'ai aucune nouvelle de mon directeur de thèse que je ne cesse pourtant d'harceler. Evidemment, je me dis que mon travail est trop nul pour qu'il daigne se manifester)
Nous avons dégusté la guimauve au vinaigre balsamique et au grué de cacao de Mélanie à l'Arsouille, la fabuleuse crêpe banane-chocolat de Ki Ka Faim (ce nom de crêperie est très moche mais on y mange très bien. La complète à la tomme de Savoie y est hautement recommandable aussi) et une poire Belle-Hélène complètement décadente à la maison un soir où nous avions besoin de réconfort (qui plus est, le sirop vanillé qui a servi à pocher les poires est tout à fait recyclable dans du rhum pour l'arranger de façon express. Haut pourvoir réconfortant également).



Le jour de sa sortie, je tends un peu timidement à la libraire le livre de Melvil Poupaud (oui, je suis terriblement prévisible). Je ne sais pas bien pourquoi mais je suis un peu gênée. La libraire qui comprend tout me dit en rigolant "Non mais ça va, c'est pas comme si c'était un truc de Pierre Perret hein!" Après, je rentre en vitesse à la maison et je le dévore en une heure sur le canapé de mon bureau, c'est tellement chouette que j'en oublie de me refaire un thé.
Melvil, baby-sitté par Isabelle Adjani, est allé manger des spaghetti chez Marguerite Duras, s'est fait photographier par Hervé Guibert, a fait du bateau avec Chiara et Marcello qui l'emmène à la Cinecittà déserte quand ils ne se faisaient pas alpaguer tous les trois par Fellini à une terrasse du Trastevere. Il parlait trop dans sa barbe pour Eric Rohmer et Jane March, sa partenaire dans L'Amant l'a beaucoup fait souffrir. J'ai adoré aussi lire son rapport à la caméra.
Vous allez trouver que mon snobisme ramollit mais en plus, un jeudi soir, je suis allée voir Restless toute seule à la séance de 22heures. G. refusait catégoriquement d'y aller parce qu'il n'aime pas les films qui parlent de maladie mortelle. Il s'est gentiment moqué de moi quand je lui ai dit d'une petite voix "Bah ce soir comme t'es pas là, je crois que je vais aller voir Restless" parce que je n'ai pas arrêté de récriminer contre La guerre est déclarée et, même s'il adore lui aussi Gus Van Sant (enfin, celui de Last Days, Paranoïd Park ou Elephant, pas celui de Will Hunting -enfin, je n'ai rien contre Will Hunting), parce que Restless est un film de commande...
Cinq personnes dans la salle, le sac blindé de mouchoirs en papier. Je suppose que l'effet est en partie dûe à ma sensibilité à fleur de peau du moment (la fin de mes études de médecine me chavire un peu) mais j'ai trouvé ça rudement bien. J'ai bien aimé la cabane en crackers, les jolis vêtements vintage (chemise à lavallière, manteau en tweed trop grand, redingote bien coupée, cardigans en maille épaisse, veste pied-de-poule) et dans un même ordre d'idées les intérieurs chaleureux, plein de feux de cheminées, de tables en bois brut, de couvertures en patchwork et de gratins de pommes de terre. J'ai aimé les derniers plans, la neige partout où l'histoire nous avait emmenés, le printemps qui n'est finalement pas arrivé plus tôt. J'ai aimé aussi les silences de Henry Hopper, un garçon vraiment gracieux, et sa voix tristement déterminée qui marmonne au-dessus du chemin de fer sur lequel il se penche presque trop
"J'en ai fini avec ça".

Un billet parce que tu m'as demandé Comment s'est passé ton mois de septembre?
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Sinon, j'ai aussi fait des empanadas. Très bons, à servir impérativement avec du yaourt battu aillé avec plein de ciboulette et de persil.
La pâte se travaille hyper facilement, c'est une recette de l'infaillible
Loukoum°°°.
La farce se cuisine selon les goûts de chacun, ici le boeuf haché est parfumé à l'oignon, au poivron et à la saucisse piquante.

La pâte
-350g de farine
-175g de beurre fondu refroidi
-1 oeuf battu
-1/2cc de sel
-100mL d'eau chaude
-un peu de lait pour dorer

Mélanger la farine et le sel.
Faire un puits, y verser le beure fondu et l'oeuf battu.
Mélanger à la cuillère en bois et ajouter juste assez d'eau pour obtenir une pâte ferme.
Travailler cette pâte une dizaine de minutes puis la rouler en boule et la laisser reposer une demi-heure à température ambiante.

La farce
-350g de boeuf haché
-2 gousses d'ail écrasées
-2 oignons finement émincés
-2 poivrons (moyens) en brunoise
-un morceau de saucisse piquante italienne d'une douzaine de cm en petits dés
-du piment en poudre, du cumin et du paprika

Faire revenir le tout dans de l'huile d'olive. Arroser d'un filet de sirop d'érable et quelques gouttes de Maggi. Goûter pour bien assaisonner

Etaler la pâte sur 3 mm d'épaisseur, découper des cercles de la taille que vous préférez. Faire des petits chaussons en soudant bien les bords avec une fourchette. Dorer avec un peu de lait. Faire cuire une vingtaine de minutes à 180°. Très bons tièdes avec le yaourt précédemment cité.

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mercredi 7 septembre 2011

Que nos vies aient l'air d'un film parfait


Indices
Un garçon au regard clair a remonté le col de son pardessus en laine bleu marine. Presque debout sur sa bicyclette, il traverse à toute vitesse les rues de Londres couleur brique et gris orage, le cheveu en désordre.
Cinq hot-dogs, avec de la moutarde, achetés au marchand chinois ambulant devant la porte très surveillée du club privé trop cher.
Un grand verre de chocolat glacé surmonté d'un épais nuage de chantilly siroté à la paille devant le regard aigri de la caissière un peu ronde et vengeresse tandis qu'un ouvrier repeint en rouge sang les murs vert crasseux des bains publics.
Un manteau jaune très long, en vinyl, qui se détache sur un paysage enneigé.
Une jeune femme au teint diaphane et cheveux roux grignote des sandwiches au fromage à l'heure du déjeuner sur le bord de la piscine.
Le diamant d'une bague de fiançailles perdu dans la neige.

Vous voyez de quel film je veux parler? (c'est une réédition en copies neuves sortie cet été)
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Réponse
Les lumières sont revenues presque trop vite à la fin de Deep End. J'étais encore sous l'effet vertigineux des dernières images de cette histoire d'amour insaisissable. Devant nous, un couple d'environ soixante ans a l'air visiblement ravi. Je croise le regard du monsieur au moment de nouer mon foulard à pois. Sans raison apparente, hormis celle trop évidente d'une transmission complice, il me dit dans un grand sourire "C'était aussi bien que la première fois".
La première fois, c'était en 1970, et j'adore cette confidence parce que je suis super émue par cet homme qui a dû apprendre avec une joie qu'il me semble comprendre, la sortie de Deep End quarante ans plus tard.
Dans le hall du cinéma désert, je reste un peu devant le panneau d'affichage, ce monsieur à mes côtés. Je cherche à prolonger l'éblouissement que j'ai ressenti pour ce film que G. avait vu il y a longtemps aussi, dont il m'avait souvent parlé, persuadé qu'il me plairait. En lisant les articles jaunis des journaux de l'époque, j'imagine que le monsieur les avait alors lus et peut-être même qu'il les avaient découpés pour les scotcher devant son bureau. Il me fait en tout cas un dernier sourire mystérieux en partant.
A la sortie du film, en 1970, Etienne Daho avait 14 ans. Il ne s'était pas remis non plus de cette histoire aux motifs étranges et envoûtants dont le héros, alors à peine plus âgé que lui, découvre l'impasse de l'amour physique.
Dans un article de Libé, Daho raconte que plus tard, quand il était étudiant à Rennes, il avait des affiches et des photos du film dans son appartement et que Deep end constituait à cette époque pour lui un test infaillible d'affinités électives. Je suis très touchée par cette anecdote parce que pendant de nombreuses années, je confiais systématiquement aux gens que je m'apprêtais à fréquenter de plus près les VHS de Conte d'Eté et de Comment je me suis disputé... (ma vie sexuelle). J'étais déjà un peu snob et affectivement très exigeante car s'il se révélait que les personnes concernées n'éprouvent rien pour ces films, j'étais persuadée que nous ne pourrions pas nous entendre, qu'ils ne m'aimeraient pas non plus, tant ces films parlaient de moi (plus tard, G. m'a fait remarquer que je m'identifiais toujours à des personnages masculins -Paul Dédalus, Gaspard, Antoine Doinel, Alvy Singer etc.)
Après, j'avais très envie d'écouter quelques chansons d'Etienne Daho.
Ce billet a été écrit de la place 65, voiture 6, du TGV qui reliait Lorient à Rennes. Angoissée et épuisée, je venais de passer une journée chez mes parents.
Depuis, il y a eu le tournage d'un petit film en bord de mer (j'ai quelques progrès de cadrage à faire mais c'était un moment très chouette), une part trop petite de bavarois au matcha délicatement parfumé au rhum et sobrement nappé de chocolat au lait, une pellicule très réussie, la re-lecture de "L'image-fantôme" et une tablette de chocolat formidable, au goût de vacances new-yorkaises, envoyée par Virginia, qui a une mémoire sensible et un sens aigu de la surprise. A côté, un bagel pour le moins discutable (au pastrami sauf qu'ils avaient oublié l'indispensable salade), mais je voulais un déjeuner New York Revival.

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